Cuisines

La jeune bibliothécaire semble soudain préoccupée. Je ne relève pas, ayant moi-même horreur d'être interrompue pendant mes réflexions. Et lorsqu'elle qu'elle me répond par la positive, je lui souris et tends la main vers le couloirs qui donne dans le hall, en annonçant:

- Je te laisse passer devant, il suffit d'aller tout au bout de ce couloir dans les sous-sols. Le sol est un peu inégal, si tu n'y es pas à l'aise on allumera les torches, il y fait sombre pour la plupart des gens.

J'ai la chance de pouvoir voir la nuit presque comme en plein jour, petit privilège de ma situation. C'est d'ailleurs bien le seul privilège au fond lorsque l'on y regarde de plus près.
Je décide donc de suivre la jeune femme le long du corridor pavé des sous-sols, humide et frais,
regrettant de ne pas y avoir mes appartements. Mes chaussures sont discrètes, une grosse semelle compensée en caoutchouc ou quelque chose de similaire, ce qui n'est pas vraiment le cas de mon accompagnatrice dont les talons claquent, non trop bruyants, mais dans le calme du château et la résonance des lieux, disons que l'on nous surprendrait plus que nous ne surprendrions quelqu'un.

Le trajet est légèrement long et je connais les conventions sociales qu'il est logique d'appliquer dans certaines situations. Alors je réfléchis et entame une tentative de sociabilité un peu maladroite à mon sens:

- Tu semblais perturbée par quelque chose tout à l'heure. Il y a quelque chose que tu souhaites savoir? Sur moi? Ma situation? Je sais que ça soulève souvent beaucoup de question, je ne m'en offusquerai pas, il vaut mieux crever la pustule si quelque chose d'intrigue!

Je suis plutôt fière de cette tentative plutôt réussie d'échange social. Je suis triste de voir que je n'aime plus les gens, enfin que j'évite les nouvelles relations qu'elles soient amicales ou autre,
je me suis enfermée depuis quelques années avec les tensions de plus en plus présentes.
Je prétends avoir 20 ans ou 22 ans tout au plus afin d'éviter les questions concernant ma jeunesse physique.

George me charrie souvent, lui qui me connait sous mon vrai jour. Mais lui et sa famille sont les seules personnes à savoir cela. Mais quand j'y réfléchis, j'ai écouté ses conseils! "Tu vas être prof à Poudlard! Va te falloir un sourire ou deux de rechange à afficher sur ce joli minois! Je pense pas que t'ais oublié comment on était!" Non en effet, je n'ai pas oublié. Je détestais les profs abrutissant de blablas lourds et monotones, qui ne souriaient jamais. Je me souviens d'une phrase de Fred que j'ai souvent réutilisé "Lui il sourit quand il se fait mal!"

Ce petit égarement me fait légèrement sourire. Il n'y a bien qu’eux pour me décider à changer quelque chose chez moi!

Emily continue sur sa lancée, dans fébrilement entre les pavés inégaux. Elle s'en sort bien mais je vois qu'elle doit être concentrée. Lorsque je reprends la parole et qu'elle doit me répondre, elle ralentit le pas, certainement pour diviser son attention correctement. Elle réfléchit quelques instants, ne se souvenant pas tout de suite de ce qu'elle avait pu ressentir alors et lâche enfin:

- Ah mais oui ! Je me souviens maintenant ! Je pense que tu as eu l'impression que j'étais perturbée quand je me demandais quel âge tu pouvais avoir... Parce que tu as l'air d'avoir approximativement le même âge que moi, mais il me semble peu probable que tu aies pu acquérir un diplôme d'Auror et exercer ce métier en l'espace de 3 ans seulement !

Elle se pose la bonne question, comme tout le monde, celle de mon jeune âge apparent. Bien que j'assume mon âge, je n'en parle que peu, beaucoup ne comprennent pas, d'autres pposent de nombreuses questions, d'autres restent dubitatif, certains ne me croient pas et d'autres encore prennent peur. Se lier d'amitié, ou pire d'amour, avec une vampire c'est vieillir à côté de quelqu'un à la jeunesse presque éternelle, c'est être toujours plus jeune qu'elle et c'est partir avant elle très certainement. Alors les gens ne s'engagent jamais, d'où ma solitude habituelle avec laquelle je vis très bien.

Comme d'habitude quand quelqu'un se trompe sur mon âge je ris, d'un rire très léger juste amusé, pas moqueur pour une noise. Puis je me tourne vers elle, très sérieusement mais en gardant mon sourire:

- Je te rassure, tu n'es pas la seule à te poser cette question. On me donne 20 ans, 22 maximum. En fait, j'ai participé à la guerre de 1998 ici-même en tant qu'élève de dernière année à l'époque. J'ai 47 ans pour tout te dire, mais j'évite d'en parler de trop, ça met souvent mal à l'aise et je deviens une bête de foire, surtout quand ils ignorent mes origines. En même temps, ça a de quoi dérouter.

Alors qu'elle continue en m'écoutant, elle arrive au bout du couloir, et ce qui devait arriver arrive:

- Heu... Excuse-moi, mais... Je crois qu'on s'est trompées d'endroit ! Il n'y a rien ici !

Je ne peux m'empêcher de rire. Cette fois d'un rire franc et peu controlé. Ce n'est pas méchant, juste soudain. J'ai toujours pour habitude qu'on connaisse cet endroit, enfin pas mal de jeunes le connaissent finalement pour un endroit caché, et puis, j'y ai passé tellement de temps pendant ma scolarité avec les garçons. Je continue vers le tableau d'entrée, lui intimant, la main sur son épaule de me suivre. Je tends la main gauche vers le tableau:

- Tu vois cette coup d'argent? Bien, tu vois la poire? Chatouille-la et tu verras!

Elle va peut-être croire que je me fiche d'elle, comme de nombreux élèves à qui j'ai montré cet endroit à l'époque. Mon rire léger n'inspire pas toujours confiance. Non pas qu'on s'attende à un coup foireux, mais nombreux sont ceux à ne pas m'avoir prise au sérieux à l'époque et j'ai un petit peu cette sensation de retour en arrière dans la seconde.

A ma phrase sa réaction, bien que discrète ne manque pas de me faire sourire. Je vois bien qu'elle hésite, s'attendant très certainement à une blague, mais elle ose tout de même. Peut-être s'est-elle dit que je ne semblais pas être le genre de personne à faire des blagues, elle ne m'avait pas connue à l'époque. Mais elle finit par le faire, et chatouille la célèbre poire qui se transforme alors en une poignée sous son regard interloqué. Je tends la main et l'empoigne afin d'ouvrir la porte-tableau donnant enfin sur les célèbres cuisines qui font rêver de nombreux élèves.

Les elfes s'activent déjà malgré l'heure avancée, mais c'est la rentrée et le festin est toujours grandiose. Rien que l'idée de la viande en grande quantité me fait saliver d'avance. Et j'aperçois Winky, une elfe de maison qui a été embauchée par Dobby à l'époque. La voir toujours là et en pleine forme me fait tellement plaisir qu'un sourire radieux s'impose sur mon visage, et je ne me souci un instant plus de la jeune femme à mes côtés. Je m'approche de l'elfe qui m'a parfaitement reconnue tant je venais souvent enfant, je m'agenouille près d'elle et lui prends les mains, les joignant devant mon coeur:

- Winky! Tu es toujours là! Je suis tellement contente de te voir! Tout se passe bien ici pour toi? Tu m'as beaucoup manquée, on se demandait avec George si tu étais toujours aux cuisines! Alors? Tu as des visiteurs aussi réguliers que nous?

Me rappelant de la présence de la jeune Emily, je me tourne vers elle, tenant toujours la main droite de l'elfe dans ma main gauche, et je présente de ma main libre la nouvelle bibliothécaire,
lui faisant signe d'approcher:

- Winky, je te présente Emily, la nouvelle bibliothécaire de l'école, Emily, je te présente Winky, une très bonne amie! Les cuisines sont interdites aux élèves, mais certains élèves, et j'en faisais partie, savent venir ici. A l'époque, c'était Dobby qui était en charge de la cuisine et il avait embauché Winky. Dobby était le premier elfe libre ici, et grâce à Hermione, ils ont fini par tous l'être et par être payé pour ce qu'ils font. On venait souvent ici la nuit avec des copains, il y avait Fred, George, Lee... ça remonte mais je n'ai pas beaucoup changée et Winky non plus.

Je me relève alors, souriante, heureuse d'être venue jusqu'ici et je montre de la main le reste de la cuisine, montrant à la jeune femme les tables disposées comme dans la grande salle, les assiettes d'or sont déjà disposées, il ne manque plus que les plats, mais les poulets, roast-beef et autres victuailles qui seront présentes ce soir sont encore en train de cuire:

- Voilà, ici ils préparent les tables, et quand les plats seront prêts, ils claqueront des doigts et hop ça apparaîtra devant nous. Bon je te gâche peut-être un peu la surprise mais c'est superbe à voir la première fois... même si ce n'est pas la première fois pour toi, c'est tout comme...

Les elfes s'affairent avec vigueur et détermination. Je reconnais quelques têtes, dont celle de Kreatur, l'elfe de maison de la famille Black qui a été envoyé ici, je me demande par quel miracle ils ont réussi à le convaincre de travailler ici, mais il semble toujours extrêmement renfrogné et je ne l'ai jamais aimé.

[Je souhaiterai une intervention de fictif pour jouer Winky au moins si possible, j'envoie un mp de précision, merci]