Un recoin chaleureux

       
       

Ma respiration s'était arrêtée alors que Greg se rapprochait dangereusement de moi, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle avait du mal à redémarrer normalement. Etrangement, un espèce de tiraillement me prit l'estomac lorsqu'il se recula. Pourtant, mes yeux avaient commencé à se fermer d'eux-même, tant j'étais convaincue qu'il allait m'embrasser. Et voilà qu'il était prostré, le regard fixé sur la cheminée. En même temps, à quoi est-ce que je m'attendais ? A ce qu'il m'embrasse et me dise que oui, il voulait être mon petit ami ? Je savais pourtant que ce ne serait pas si facile, mais je pense qu'une partie de moi pourtant aurait souhaité que cela se passe ainsi.

Je pris une profonde inspiration, que j'exhalais tout aussi bruyamment. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire, et je n'osais pas reprendre ce qu'il avait entamé quelques secondes plus tôt, de peur de me faire rabrouer, plus ou moins violemment. J'optais donc pour la solution qui me paraissait la plus simple, jouer les naïves.

Je posais ma main sur la sienne, qu'il avait posée contre sa cuisse, sans trop me rendre compte de ce que ce geste pouvait signifier. Après tout, je ne savais même pas ce que cela faisait d'embrasser un garçon, alors le reste... Je resserrais ma main autour de la sienne, penchant la tête pour essayer de capter son regard, et prenant une voix que j'espérais douce.

Trop tôt pour quoi ? Je te demande simplement de me répondre oui ou non. Mais bon je me doute que peut-être c'est compliqué pour toi de me voir autrement que comme la garce à qui tu as été promis en mariage. C'est pas grave, je peux attendre.

En finissant ma phrase, je ne pus cependant m'empêcher de déposer un baiser sur sa joue, bien qu'un peu proche de ses lèvres. Me rendant compte de mon geste, je mordillais ma lèvre inférieure et me reculais vivement, préférant fixer mes genoux que d'affronter le regard de mon fiancé.

       
       

La non réaction de Grégory m'avait laissé un gout amer. Sûrement celui de la déception. Et en même temps, je ne savais pas vraiment à quoi je m'étais attendue, je savais pourtant pertinemment que cela ne serait pas facile. Mais j'avais comme l'impression que ce qui pour moi avait été au départ une vengeance et un genre de marquage de territoire se retournait à présent contre moi, que j'avais été prise à mon propre jeu. Après tout, je n'avais jamais été aussi proche de quelqu'un, encore moins d'un garçon, et je n'en avais jamais autant montré sur moi à qui que ce soit, même à mon frère ou mes parents. Je sentais que je me dévoilais trop, et que cela allait vraiment finir par me jouer des tours, mais une petite voix au fond de moi me disait de continuer, ne serait-ce que pour pouvoir dire que j'avais tout essayé.

Cependant, entendre Grégory dire que les choses n'étaient pas si simples me ramena vite à la réalité. Amy Marshall, voilà ce qui compliquait les choses. Je le savais, mais lui semblait avoir oublié ce fait. Pourtant notre discussion n'était pas si vieille, mais elle avait tellement dérivé... Je ne disais rien, préférant serrer les dents, et le laissais continuer.

Alors qu'il disait que le fait que je sois une "petite garce" n'était sûrement qu'une couverture, j'allais reprendre la parole, mais il continua en disant qu'il n'avais jamais bu de whisky pur feu. J'haussais un sourcil, étonnée de cette phrase qui arrivait sans transition. Je préférais donc répondre, sans tenir compte de cette dernière phrase. Je sentais que la déception était encore présente dans ma voix, et ne fut même pas surprise de m'entendre parler de manière tremblotante, la voix un peu cassée.

Une couverture oui, on peut voir ça comme ça. Mon frère appelle ça ma "carapace pétasse". Il dit que je fais ça pour pas qu'on m'approche de trop près. En fait je crois que je suis peut-être un peu comme ça dans le fond, je l'ai tellement joué que c'est devenu une partie de moi.

J'avais dit ça sans quitter le feu des yeux, et en clignant à peine, ce qui fait que je sentis mes yeux devenir larmoyant. Je les essuyais d'un revers de main et m'empressait de faire un sourire, bien qu'il semblât un peu forcé et triste, à Grégory, pour lui montrer que je ne pleurais pas. Je finis par recommencer à fixer mes genoux, comme je l'avais fait un peu plus tôt. Une envie irrépressible de me blottir contre lui, de me sentir rassurée, venait de me prendre. Je la chassais bien vite, sachant que ce n'était pas près d'arriver.

       
       

J'avais perçu plus que je n'avais vu la main de mon fiancé se déplacer pour arriver derrière moi, et je me sentis un peu rassurée. L'heure était manifestement aux confidences, et je ne savais pas par où commencer. Lorsqu'il avait commencé à parler, j'avais failli le couper, et de façon tranchante, avant de me rendre compte que ce qu'il disait n'était que pure vérité, l'image que je renvoyais à Poudlard était celle qu'il avait de moi, quoi de plus logique. Je le laissais donc finir, puis j'observais un léger silence, les yeux un peu perdus dans le vague, essayant de structurer ma réponse du mieux possible.

Oui, j'aime qu'on me connaisse en tant qu'Autumn Rowle, fille de Donovan Rowle, parce que ça me permet d'avoir une certaine tranquilité. Mais tu sais Greg, ces gens qui papillonnent autour de moi, car il n'y a pas d'autres mots, ils ne connaissent que mon nom, ils ne me connaissent pas, moi.

J'avais dit cela le regard toujours un peu lointain. La discussion venait à nouveau de prendre un nouveau tour, et cette fois-ci c'était celui de la psychanalyse. A vrai dire, je n'en étais pas spécialement fan non plus. Je finissais finalement par regarder le Gryffondor, le regard un peu brillant dû à la chaleur du feu.

Tu sais, on peut être entouré tous les jours, cela n'empêche pas que l'on est seuls. Ces personnes qui gravitent autour de moi, elles le font par pur intérêt, et je me satisfais de ça, parce qu'au final, j'ai toujours vécu là-dedans. Tu n'as pas idée du nombre de personnes qui viennent quotidiennement faire des ronds de jambe à mon père dans l'idée de recevoir ses faveurs, et en espérant qu'il les fera entrer dans des plus hautes sphères. A l'heure actuelle, seules des femmes ont réussi à l'amadouer, faut croire qu'elles savent mieux faire les ronds de jambes.

J'avais dit cela avec une grimace de dédain. Les infidélités de mon père n'avaient jamais été vraiment secrètes, mais je ne les trouvais pas normales pour autant. Je repris bien vite, préférant tout dire d'une traite de peur de ne pas pouvoir reprendre si Greg me coupait la parole.

Ce que je veux dire, c'est que dans toute ma vie la seule personne qui aie été sincère avec moi, c'est mon frère. Alors quand tu sais ça, ça donne pas vraiment envie de se confier et de laisser quelqu'un vraiment entrer dans sa vie, tu ne crois pas ? Je ne suis pas malheureuse, mais oui, peut-être que je me suis fait une carapace, pour éviter d'avoir à faire à trop d'hypocrisie d'un coup, ou pour éviter de découvrir ce que c'est la sincérité, je ne sais pas. Mais oui, j'ai bien une "carapace pétasse".

J'avais enfin fini, à présent je fixais Grégory dans les yeux, attendant une réponse, guettant une réaction de sa part.

       
       

Je n'avais pu m'empêcher de rire lorsqu'il m'avait dit être "choqué" par le fait que je me confie. Il avait un côté mignon dans son ivresse, que je n'aurais pu expliquer. Il avait cependant raison sur un point, je venais de retirer ma carapace. Et étrangement, je me sentais bien. Quelque chose en moi me disait que j'avais besoin de faire ça depuis longtemps, bien que je ne m'y sois  jamais résolue.

A ce moment-là, je me rendis compte que sa main était toujours derrière mes épaules, et ne put m'empêcher de sourire en coin. Un Grégory Donell avec un bras derrière mes épaules et avachi sur une banquette, ça n'a pas de prix. Je retenais un rire en le regardant, me disant que le whisky était sûrement l'une de mes meilleures idées.

J'allais lui répondre, mais il reprit la parole, et ce qu'il me dit à ce moment-là ne me plut absolument pas. A croire qu'il n'avait toujours pas compris ce que j'avais pourtant bien explicité quand il s'était agi d'Amy.

Je profitais du relâchement manifeste de mon fiancé pour lui voler à nouveau une gorgée du liquide ambré, me penchant sur lui au passage pour récupérer le verre, sans pour autant aucune arrière pensée. J'avais juste l'impression que ça me ferait du bien après le coup de masse qu'il venait de m'asséner. Comme si j'avais pu tenir tête à Donovan Rowle.

Et bien non, je n'aimais toujours pas ça. La même grimace, la même sensation de brûlure intérieure fort désagréable. Ce devait être ça que mon père appelait une "boisson d'homme".

Je me décidais tout de même à répondre, les yeux encore embués à cause de ce satané whisky, qui m'avait littéralement détruit la trachée, et dont je pouvais trouver la position exacte dans mon ventre tant il me brûlait. Pour lui répondre, je me penchais un peu sur lui, sans pour autant lui grimper dessus (n'exagérons rien). J'avais l'impression que son état, qui commenàait à être un peu second, nécessitait une proximité de ma part pour être sûre qu'il comprenne bien tout ce que j'allais dire. Après tout, je n'avais jamais été confrontée à quelqu'un d'ivre.

Personne ne tient tête à Donovan Rowle Greg, ni toi, ni les employés du Ministère, ni ses enfants... Surtout pas ses enfants. Tu ne le connais pas, tu ne sais pas de quoi il est capable. Moi oui, et crois-moi, je préfère encore passer pour la connasse de service que de me rebeller contre lui.

Un frisson m'avait parcourue à ces mots, et je le réprimais en resserrant ma main contre son torse, sans pour autant me rendre compte de la position équivoque dans laquelle nous nous trouvions. Il m'avait semblé que Grégory avait fixé mes lèvres, avant que je ne me mette à parler. Mais son recul de tout à l'heure m'avait calmée, et bien que dans un sens, j'avais envie de l'embrasser, je décidais que ce serait lui qui ferait le premier pas. Pas moi.

       
       

La sensation de ses lèvres contre les miennes avait été aussi inattendue qu'agréable, bien que je n'ais pas vraiment eu le temps d'en profiter. A peine avais-je réalisé que j'étais en train de vivre mon premier baiser que c'était déjà fini. Mais non, je refusais ! On n'embrasse pas Autumn Rowle pour arrêter directement... Bon, il est vrai que jusqu'à maintenant, on n'embrassait pas Autumn Rowle... tout court. J'avais bien entendu sa remarque, comme quoi il devait arrêter l'alcool, mais non, je refusais que ça s'arrête comme ça et le whisky, je pense, aidant, je me penchais vers lui pour un nouveau baiser. Oh pas un baiser langoureux ou quoi que ce soit, juste un baiser, juste pour ressentir encore ses lèvres contre les miennes. J'avais lié mes doigts aux siens après avoir attrapé la main qu'il avait posée sur ma joue.

Mais, aussi agréable que ce fut, je savais que ça ne pouvait pas durer, et finissais par m'écarter, à regret je devais l'avouer, de mon fiancé. Notre relation venait de prendre un tournant auquel je ne m'attendais pas, mais qui était loin de me déplaire. Je ne savais juste pas quoi dire, et me contentait de fixer nos mains entrelacées. Je n'avais pas envie de le lâcher.

Alors que mes yeux s'étaient dirigés, une fois de plus, vers le feu, j'eus une idée. Vous savez, ce genre d'illumination que l'on n'a que quand on est bourrés... ou quand on dort. Ce genre même d'illumination dont on n'a aucun souvenir quand on retrouve son état normal. Bah voilà, j'avais une de ces illuminations. Après tout, le bal de Noël approchait, et je sentais que je pouvais faire d'une pierre plusieurs coups. Tout d'abord, ce qui venait de se produire me laissait penser, et sûrement à juste titre, que Grégory et moi étions à présent ensemble, et me donnait donc toute légitimité à faire ce que je m'apprêtais à faire. Et puis, cela ferait du bien à mon cher papa de voir que sa fille s'affichait un peu avec son "promis".

Je pris mon courage à deux mains, prenant une grande inspiration, puis deux, puis trois... Secouant la tête, je finis par regarder Grégory dans les yeux.

Tu sais c'est bientôt le bal de Noël et, je me disais que, peut-être, enfin.... onpeupeutêtreyallerensemble ?

Ok, ça, ça ne voulait absolument rien dire, merci l'alcool et la soudaine timidité de pucelle qui s'emparait de moi. Je ne pus m'empêcher de lâcher un petit rire, histoire de surtout cacher mon malaise. Je repris ma respiration et replongeais mon regard dans la cheminée. Peut-être que si je ne le regardais pas dans les yeux, ça sortirait plus facilement.

Je disais donc... Ca te dirait de venir au bal de Noël avec moi ? Après tout t'as peut-être raison, faut peut-être que je montre aux gens que je suis pas totalement la dernière des connasses... Mais un peu quand même hein... J'ai une réputation à tenir !

J'avais enfin reposé mon regard sur lui, c'est vrai que sans le regarder ça avait été plus facile. Mais maintenant il fallait que j'attende la réponse. Je ne voyais pas pourquoi il refuserait, mais j'avais quand même la boule au ventre. Et c'est avec cette boule que j'attendis la réponse de mon fiancé.